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UN        ESSAI         D ‘   INTERPRETATION

ARGUMENT:    LE    DÉSIR   D’UN    MAMMOUTH   DE    REJOINDRE   UN   PINGOUIN  ET
ET GAGNER LE CERCLE POLAIRE

Si seulement je savais le pourquoi du voyage, ce que je cherche…

Voir où cela nous mène.
C’était un projet charmant, drôle, vif, appétissant.

L‘objet présenté est ici à Marseille l’un des accès possibles à la ville. On distingue dans cette vue aérienne le Mucem et à coté, la Villa méditerranée qui doit devenir un centre d’interprétation de la grotte Cosquer.

C’est là,  dans cette précipitation du triangle ouvert par la digue que nous devons accoster en juin 2022 et que doivent se rejoindre le mammouth de Pech merle et le Pingouin de Cosquer.


On m’a souvent demandé voire requis afin de définir ce qu’était Le Fabuleux voyage. Plus je progressai dans ces étranges galeries  que sont les mondes de la définition où tant d’expositions de mondes disparus ont encore cours, plus j’en vins à avouer mes progrès dans l’ignorance.

De cela au moins j’étais sûr.

Notre devise n’était-elle pas:  » I would prefer not to  » ?

L’ignorance est une capacité précieuse du savoir. Comme tout voyageur d’aujourd’hui, accroché à l’angle des textes et des images,  je ne fais que traverser.

Ou l’être. Par ces mêmes flux.

Nous sommes au seuil des images, muets. Il y a ici un pingouin, un mammouth. Des espaces que je qualifierais de momentanés, entre une vallée et la mer.

Cela pourrait être un embarras, une difficulté supplémentaire. Nous pourrions  les faire parler, dissimulant ainsi qui parle dans la mise en tension, l’ébranlement des images.

Mais nous sommes coincés.  Nous ne pouvons qu’être actuels: c’est là que tout se joue, toutes les remémorations à partir d’indices et de traces, de projections.

C’est vraisemblable.

S’exprime ici  l’hypothèse d’une interprétation qui ne prétend ni se suffire, ni se substituer mais se qualifie d’expression singulière  dans des milliards d’économies temps-espace possibles.

En résumé, un désir chiffré dans son rapport au temps et à l’espace.

Tout le monde, de l’anonyme au savant  développe aujourd’hui un bestiaire suspendu entre le texte et l’image  sur un motif d’extinction.

Ces métaphores vives, houleuses, portées par les médias sur des objets qui s’éloignent de nous de plus en plus sûrement  attisent l’inquiétude. Nous nous découvrons mortels dans l’irisation digitale.

Grignotés par le monstre nous cherchons refuge. Là encore, le câble a remplacé la soie. Pourtant, comme le démontrent les études en laboratoire, le fil des araignées est plus solide et possède un secret : la vibration transmise.

Nous qui sommes aujourd’hui soumis à un régime d’alerte permanent devrions apprendre de l’aléa tectonique, assemblage de guets immobiles, de patience non plus  l’azur mais la mire. Beaucoup croassent au bord des mares quand nous ne voulons que divertir, mûrir nos humus distants de celles et ceux qui enflent leurs gosiers, si aptes à la régurgitation, empilés les uns au dessus ou dessous dans un coït désemparé de circonstance.

Les animaux… Pourquoi eux ?  Vraisemblablement des vers de Rilke, un poème de Michaux.

De ce guide élégiaque , je ne saurais dire plus. Par la suite, seul le hasard d’une rencontre avec Pech merle (Lot) a voulu que je croise le chemin d’un mammouth, les humanités assemblées, puis d’un pingouin, enfin que j’imagine qu’ils puissent, extraits des grottes lier leurs histoires, croiser des membres d’une autre espèce cruelle et amoureuse. Disons Sapiens.

Le but se résume à cela: prendre la mesure de l’amplitude d’une vibration. et voir où elle mène. Ce faisant nous ne faisons que porter à un point d’incandescence le pari de l’Autre.

Dès lors, Le fabuleux voyage a dessiné  ses appuis sur un Canal vers le midi reliant deux mers.

C’est aujourd’hui un projet d’atlas , peut-être moderne, mis en réseau sur deux onglets préhistoriques, des péninsules dont la spatialité m’échappe encore.

Un projet mécanique, hydraulique qui mobilise autant de cartes que nécessaire, où , chaque soir  la consigne des  relevés des topos isocèles et scalènes éclaire l’aube. LFV// est donc un chantier ouvert, une bataille  comme on disait au XX°siècle, une lutte. D’abord contre la suffisance et l’esprit de sérieux qui prétendaient nous élever en nous confisquant la joie, le plaisir, l’incertitude, toutes les qualités du savoir.

Ensuite contre nous-mêmes qui parfois cédions, sans résistance , épuisés.

Nous avons donc installé dans le désarroi d’un angle de la Villa Méditerranée face à la mer l’écho racine et improbable des grands pingouins décimés  – Pinguinus Impennis.

A rebours des vagues la fragilité des lames nous a conduit au pôle. Tel est notre destin: l’armure des courbes, des degrés, un appel, circulaire, une rondeur, sillonnée d’aimants orientés plein nord dont l’aiguille tremblotante, viscérale électrisait nos consciences: comment nommer? comment dire? comment se souvenir?

C’était pour rire, parfois même pour oublier. Ce n’est que bien plus tard que nous avons mesuré la gravité du geste.

Pour l’essentiel, notre aventure est donc par nature incomplète, purement lexicale  si on veut. Il n’empêche, la main est désignée et aussi le touché.

Guettant de la pirogue les récifs, nous étions attentifs, tandis que sur les rives, des silhouettes  emportées par les arbres coupés  nous rappelaient qu’au pays Dogon, étoffe et parole s’apparentent dans la trame du  seul phonème Soy.

Si proches de la soie, nous faisions route.

Eric Manhes-Malmon
Journal de Bord. Octobre 2021