Bave à la poupe

A FL sorcier des équinoxes, brasseur de sortilèges, souverain averti et secret qui sait coudre et tailler dans l’infini.

Introït: Il faut les voir à la sortie des villes, posés les uns contre les autres, tournant du plus boueux au limpide les boues éteintes quand des artificiers de pacotille, mesurant le salin veulent nous préserver des étincelles et du retentissement de l’eau.

Dans ces grands bacs inanimés du désir où se brassent les déchets des incantations, les grands renoncements , où des roues s’enclenchent les unes dans les autres, si bavardes dans la confiscation dissimulée dans les eaux grasses.

Dans ces grands laminoirs du désir, ces fines tôles d’apparat, ces meules d’eau roulées au-dessus comme des vagues.

 » M’en aura bien fait bavé  » le pingouin 2.0 !

Etrange affleurement des exercices individuels au bout des plongeoirs pour mieux saisir cette vibration: l élancement. Quand il faut TOUT surprendre afin de dérouter sur d’autres craintes et bavoirs, tout ce qui fait carrière.

Il faut le prendre au pied des lettres. C’est de TOUT majuscule dont je parle, de l’un de ces moments où l’on est sur le point de basculer, disons juste avant, le milliardième de seconde où se joue le destin à moins que l’inverse…

Clinamen, une inclinaison afin de retrouver la particule , angle de l’infime.

Ce moment-variation du plongeoir, de ses paliers gravis du bas étage au troisième, pas à pas. – il faut bien cela -, aucune cage d’ascenseur. le corps vêtu à peine d’un maillot, aucun spectacle ni mise en demeure.

10 pulpes et cartilages au bord du vide, recroquevillés. Une phalange d’étincelles sur une planche mise à feu.

Puis enfin, ce que permet l’étrange invention – l’image est fixe alors, tout est suspendu, tous retiennent leur souffle -: ce détachement. Oui, car il faut bien l’appréhender à partir du fléchissement et de ce qui se ramasse dans la contraction des ligaments, tenter de le décrire même s’il ne faut que l’éprouver, chacun, au même titre qu’une épreuve sans initiation.

Rien, donc, ne vibre encore, aucune corde ni colonne.

Il y a juste un diaphragme, un iris, un souffle; sans soute faut-il ce vertige pour expirer. On ne distingue aucun viscère. On ne pourrait les voir qu’en cas d’accident. Inconcevable!

Chacun au pourtour du bassin a déjà projeté la figure même si la marque de l’empreinte est encore aux vestiaires , ne venant qu’après coup, dans les propos qui rapportent l’évènement quand les tôles claquent par jeu, battantes et que les verrous sont ouverts, les cadenas défaits.

Le guet, figure du désir, éclosion de la forme, miracle des quotidiens quand ils ne sont pas tête-bêche à l’envers emmêlés dans un je ne sais quoi du désordre. Ici l’apparence, essentielle, serait sauve.

Chacun est alors rassuré. la vie reprend son cours. la certitude acquise que cela se fera, le plongeon, que maintenant, il est trop tard pour faire machine arrière. Déjà, les images fixées se décomposent. c’est le troisième appui, l’avant-dernier rebondissement dans la somme encore insuffisante pour permettre la figure, celle d’un ange qui se retourne, un Gabriel d’après midi étincelant dans une banlieue quelque part mais qu’importe.

Ce qui se serait précipité dans ces coordonnées, ce moment ou instant dans la toile où, à l’écart des yeux, de toute vigilance, dans un angle une araignée saoule se distrait, ce n’est rien d’autre que l’exploit: celui de vivre.

Alors la vie peut reprendre son cours. La silhouette s’est imprimée dans les mémoires de ce qui passe.

Une nuit, à bout de souffle, il dira toutes les images venues, – il ne pourrait les confier à quiconque – le film secret, dès lors conservé à jamais, intérieur, dans le cerveau qui, à mesure qu’il vieillira formera une cale sur laquelle , bien des années après, une amante, tandis qu’ils s’étreindront sur les doux édredons posera sa main, ses doigts, l’extrémité, ses phalanges et la pulpe, et le caressera encore, et encore, comme le point d’ancrage de leur amour, et pour lui comme un de ses souvenirs les plus chers quand il devint un homme.

Is se diront les cellules toujours renouvelées de la peau et des corps avec les preuves de la science, puis, il dira la banlieue vaine où il fût un héros, la cité, JLG et le sourire de Belmondo qu’il n’a jamais rencontré.

Les allumettes sont rangées, l’araignée s’est assoupie. Tout est calme.

Un souffle emporte les brins de peau.

Le fabuleux voyage, un essai naturaliste?

De fait, si l’on considère ( par une étrange déductibilité ) non pas le sens mais la forme du fabuleux voyage, en cela qu’elle implique Canal et voies d’eau, on pourrait sans désordre la comparer à un livre qui s’ouvrirait à mesure, sans souci ni inquiétude du linéaire, juste contraint par les étapes qui en seraient des chapitres.

Ce serait cet étrange objet relié, paginé.

Faudra-t’il alors pour en saisir le sens – avec toute la prudence requise, y compris le soupçon envers tout ce qui pourrait s’apparenter par raccourci à un but, comme dans une croisière – s’en remettre à la forme? Même en faire un projet?

Quelque chose se travaille néanmoins dans ce processus. Parti de l’évènement singulier, à mesure que nous gagnons la grotte et son exposition y compris dans le fondement de son décalage sise à la Villa, objet onirique par excellence, l’objet visé s’obscurcit, disparait, se voile, se dérobe, clignote peut-être mais cela, de son fait en tous cas n’est pas sûr et n’a été, à ce jour, confirmé par aucun voyageur.

Il y a donc la profondeur des décalages, leur éclat à vif, le rayonnement du trompe l’oeil. la grotte bien réelle est ailleurs, inaccessible pour le commun des mortels, juste pour une poignée de scientifiques, plongeurs sous-marins.

Car ce que nous souhaitons atteindre n’existe plus, s’est éteint ( peu importe les causes ). Il n’est plus qu’un objet de mémoire, l’expression catalysée d’un désir.


Mobile, il joue de toutes les surfaces, qu’il en soit de la glace ou de la mer trompeuse, bercée d’illusions et de mirages où nous sommes, toujours dans la compagnie d’Ulysse, pris par des sortilèges, ceux de la communication, du politique, des assidus qui composent ici et là l’évènement qui doit surgir, résolument modernes, coincés et solitaires.

Bien sûr, on pourra toujours se voiler la face dans l’étrange sorcellerie des sortilèges, croire au réel, à l’absolu. Croire, le mot laisse une étrange saveur, ancienne, un goût indéfinissable qui se lie au passé, à ce qui fût; un éternel retour, une reprise à leur des vieux mobiles remis au gout du jour.

La fois prochaine, peut-être je parlerai de décadence pour voir ce que le mot retient, suppose, induit, sans jugement de valeur, ni attache au présent.

10012022

Le premier geste: celui de l’abandon toujours voisin de la chute.

Précipiter !

Certains, en retrait, dans les tréfonds des grottes nous observent, yeux luisants, pupilles haubanées par le ciel où nos ombres se détachent, plus ou moins clamées, vaguement nuageuses.

La lenteur vînt, après coup , comme un ultime rebondissement. C’est que les grottes, leurs résurgences, sont habitées. Après le premier moment d’attente, le scrupule.

Le cinéma s’est emparé de la mythologie des êtres souterrains pour rétablir à partir de ses obscurités l’ordre dans la lumière des villes. On y voit d’ailleurs rarement le jour. C’est un monde du rampant et de l’envolée, de la lumière interrogeant le ciel, guettant l’apparition dans la turgescence d’un faisceau lumineux . Cette réclame du ciel, constante, ancrée dans l’interpellation et la quête de justice depuis Moîse est la semelle compensée de celles et ceux qui aimeraient prendre de la hauteur.

Je les comprends.

Les éléments du Rubik’s sont là ! Ne reste qu’à les assembler par la prise de conscience, l’ensemencement de châteaux forts. Expression de la prise pour ceux qui détiennent une puissance .

A l’opposé revient à ma mémoire, quelques mots de Madame Du Deffand:  » Je n’ai pas peur des fantômes mais je les crains » . C’était alors une cour d’apparat, de lumière, de draperies battues chaque matin par des colonnes de femmes, (plus), artisanes du propre qui les frappaient à grands gestes mais devant s’effacer et presque se dissoudre devant toutes les architectures du secret qui composaient dans les multiples corridors et passages dissimulés le corps aimant, désirant, celui qui se rapprochait, se devinait dans un souffle et laissait une buée, que l’on pouvait étreindre, toucher, à l’opposé de la mise en scène des corps à voir, de passage, spectaculaires, forgeant le pouvoir, rendus dès lors inaccessibles sauf à justifier de l’audience par un mot, un billet dans la file d’attente aux huissiers, chambellans et autres caméristes.

Après tant de divagations, ce que recouvre le terme fantôme est un ensemble complexe, souvent bavard, chahuté par des apparitions récurrentes, troublé par un folklore de tables tournantes et d’un porteur d’au-delà en équilibre sur le fil, maintenu par ses jarres.

Dans le cristal moderne la transparence fait jeu à part. Une absence de seuil en est la marque. Du vague à l’âme pour les plus préservés, de la fatigue pour les autres. La grotte, dans son déclin même est l’inverse de sa magnificence glorifiée de façon si ardente aujourd’hui par les communicants du merveilleux, toujours agonisants, toujours ressuscités les lundis matin dans les Brain storming comme on disait avant, dans déjà l’ancien monde, étonnamment disparu.

C’est comme s’il n’y avait pas d’avant : je me faisais cette trouble réflexion à propos d’une égérie télé-réelle, considérant qu’elle vivait dans un temps dont la qualité première, qui la distinguait de tous les temps autres et possibles était celle d’une parfaite synchronicité, d’un temps qui excluait le raté, qui ne supportait pas les corridors et la buée, – inacceptable sur l’ écran de son smartphone- , l’accident, le passé, le futur, qui refusait en un mot la conjugaison et le climat si étrange des imparfaits, subjonctifs et présents.

Ni seuil, aucun recul, synchrone. Juste la caméra mode selfie.

Mais pas dupe, incroyablement habile, sachant mieux que quiconque faire croire à sa présence surtout lorsque, alimentant certaines heures le désir par son silence, pour « souffler » disait-elle, elle revenait sur le mode jaillissant, fantomatique, poudrée, rêveuse, prête au shopping.

Un moment assez stendhalien en somme, l’apparition d’une silhouette objet d’ une déclaration amoureuse, d’un étonnement permanent qu’elle existât.

Depuis je porte alors le brassard N° 14791 et, dans la file de ses followers j’attends un signe d’elle !