MISES EN GARDE

I. Disciplines

Il m’arrive parfois de décortiquer, après coup mes rendez-vous.

J’imagine que chaque institution a sa discipline, des règles liées à l’univers qu’elle promeut, dont elle défend la cohérence statutaire , les exercices de nomination. Elle n’accueille l’étranger qu’avec réticence, à son corps défendant.

Ici, comme le cite Michel de Certeau dans son introduction à la fable Mystique, le gardien dit: « pas encore », annonce l’attente infinie:

« Je ne suis que le dernier des gardiens. Devant chaque salle, il y a des gardiens de plus en plus puissants, je ne puis même pas supporter l’aspect du troisième après moi »

Du même auteur reprenant l’ouverture:

 » Je ( Il , le livre ) me présente au nom d’une incompétence: je suis exilé de ce dont je traite (…) le travail ( l’écriture) se produit à partir d’un deuil ( l’exil ), qui constituait déjà au XVI siècle un secret ressort de la pensée: la Melancholia. Un manquant fait écrire. Il ne cesse de s’écrire en voyages dans un pays dont je suis éloigné. A préciser le lieu de sa production, je voudrais d’abord éviter à ce récit de voyage le « prestige  » ( impudique et obscène dans on cas ) d’être pris pour un discours accrédité par une présence, autorisé à parler en son nom, en somme supposé savoir ce qu’il en est(…).

Introduction. La fable mystique. M de Certeau

J’appelle cela, le décalant, en faisant usage : La mise en garde du pingouin .

II. Histoire

« Papa, explique moi donc à quoi sert l’histoire?

( C’est, dans le texte le fils de Marc Bloch qui pose la question)

(…)

Qu’on évoque devant ses yeux la suite proprement innombrable des générations qui ont précédé la notre – depuis qu’un être susceptible de répondre à la définition de l’Homo sapiens est venu figurer l’une des nervures de cet immense éventail de formes vivantes que la nature dans sa fécondité déploie et élargit progressivement: cet éventail dont l’image se substitue en nous de plus en plus, aujourd’hui, à la vieille image d’un continu linéaire de nos pères – d’une évolution qui, des animaux à l’homme, était censée tendre un fil unique et sans rupture. Derrière chacun de nous, quelle suite prodigieuse d’accouplements, de viols, de mélanges brutaux ou d’unions normales: un vertige. Et la mémoire de l’espèce en garde les traces pendant combien de temps? Mais que d’expériences aussi ! Que de participations à des sociétés prodigieusement différentes les unes des autres ! … Que de marques laissées, sur nos ancêtres immédiats sur nous mêmes par des systèmes d’idées et de croyances, par des « institutions », au sens sociologique du mot, dont les brusques réapparitions, les surprenants affleurements nous stupéfient parfois – et nous stupéfieraient bien plus encore et bien plus fréquemment , si nous nous appliquions à mieux nous observer de ce point de vue ! Mais un instinct nous en détourne. Un instinct nous avertit de ne pas nous laisser hypnotiser, envoûter, absorber par ce passé. Un instinct nous dit qu’oublier est une nécessité pour les groupes, pour les scouts qui veulent vivre. Pouvoir vivre. Ne pas se laisser écraser par cet amas formidable, par cette accumulation inhumaine de faits hérités. Par cette pression irrésistible des morts écrasant les vivants – laminant sous leur poids la mince couche du présent jusqu’à lui enlever toute force de résistance…

(…)

Vers une autre histoire. Lucien Febvre.

De ce long paragraphe, je tirerai l’enseignement de l’éventail, contrepoint du linéaire . Ce déploiement de la figure , des correspondances innombrables en opposition contre la forme majeure géologique de l’empilement, des couches successives, élaborant un thème mineur toujours repris.