10012022

Le premier geste: celui de l’abandon toujours voisin de la chute.

Précipiter !

Certains, en retrait, dans les tréfonds des grottes nous observent, yeux luisants, pupilles haubanées par le ciel où nos ombres se détachent, plus ou moins clamées, vaguement nuageuses.

La lenteur vînt, après coup , comme un ultime rebondissement. C’est que les grottes, leurs résurgences, sont habitées. Après le premier moment d’attente, le scrupule.

Le cinéma s’est emparé de la mythologie des êtres souterrains pour rétablir à partir de ses obscurités l’ordre dans la lumière des villes. On y voit d’ailleurs rarement le jour. C’est un monde du rampant et de l’envolée, de la lumière interrogeant le ciel, guettant l’apparition dans la turgescence d’un faisceau lumineux . Cette réclame du ciel, constante, ancrée dans l’interpellation et la quête de justice depuis Moîse est la semelle compensée de celles et ceux qui aimeraient prendre de la hauteur.

Je les comprends.

Les éléments du Rubik’s sont là ! Ne reste qu’à les assembler par la prise de conscience, l’ensemencement de châteaux forts. Expression de la prise pour ceux qui détiennent une puissance .

A l’opposé revient à ma mémoire, quelques mots de Madame Du Deffand:  » Je n’ai pas peur des fantômes mais je les crains » . C’était alors une cour d’apparat, de lumière, de draperies battues chaque matin par des colonnes de femmes, (plus), artisanes du propre qui les frappaient à grands gestes mais devant s’effacer et presque se dissoudre devant toutes les architectures du secret qui composaient dans les multiples corridors et passages dissimulés le corps aimant, désirant, celui qui se rapprochait, se devinait dans un souffle et laissait une buée, que l’on pouvait étreindre, toucher, à l’opposé de la mise en scène des corps à voir, de passage, spectaculaires, forgeant le pouvoir, rendus dès lors inaccessibles sauf à justifier de l’audience par un mot, un billet dans la file d’attente aux huissiers, chambellans et autres caméristes.

Après tant de divagations, ce que recouvre le terme fantôme est un ensemble complexe, souvent bavard, chahuté par des apparitions récurrentes, troublé par un folklore de tables tournantes et d’un porteur d’au-delà en équilibre sur le fil, maintenu par ses jarres.

Dans le cristal moderne la transparence fait jeu à part. Une absence de seuil en est la marque. Du vague à l’âme pour les plus préservés, de la fatigue pour les autres. La grotte, dans son déclin même est l’inverse de sa magnificence glorifiée de façon si ardente aujourd’hui par les communicants du merveilleux, toujours agonisants, toujours ressuscités les lundis matin dans les Brain storming comme on disait avant, dans déjà l’ancien monde, étonnamment disparu.

C’est comme s’il n’y avait pas d’avant : je me faisais cette trouble réflexion à propos d’une égérie télé-réelle, considérant qu’elle vivait dans un temps dont la qualité première, qui la distinguait de tous les temps autres et possibles était celle d’une parfaite synchronicité, d’un temps qui excluait le raté, qui ne supportait pas les corridors et la buée, – inacceptable sur l’ écran de son smartphone- , l’accident, le passé, le futur, qui refusait en un mot la conjugaison et le climat si étrange des imparfaits, subjonctifs et présents.

Ni seuil, aucun recul, synchrone. Juste la caméra mode selfie.

Mais pas dupe, incroyablement habile, sachant mieux que quiconque faire croire à sa présence surtout lorsque, alimentant certaines heures le désir par son silence, pour « souffler » disait-elle, elle revenait sur le mode jaillissant, fantomatique, poudrée, rêveuse, prête au shopping.

Un moment assez stendhalien en somme, l’apparition d’une silhouette objet d’ une déclaration amoureuse, d’un étonnement permanent qu’elle existât.

Depuis je porte alors le brassard N° 14791 et, dans la file de ses followers j’attends un signe d’elle !

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